Pourquoi certaines personnes accumulent-elles ?

J’ai retrouvé l’autre jour un quatrième chargeur de téléphone au fond d’un tiroir. Je ne savais pas qu’il existait, mais au moment de le lâcher, mon cerveau a murmuré : “Garde-le… on ne sait jamais.” Vous voyez le tableau ? Rien de dramatique, juste une petite résistance qui dit beaucoup. Pourquoi certaines personnes accumulent-elles ? Spoiler : ce n’est pas de la paresse. C’est souvent une mécanique psychologique bien huilée.
Accumuler : des raisons humaines, pas des défauts
Quand la vie paraît incertaine, garder donne l’illusion de maîtriser. Après une galère financière, certains objets deviennent des “assurances”. Les chercheurs parlent d’état de rareté perçue qui pousse à des choix défensifs (Mullainathan & Shafir, Scarcity en 2013).
- Aversion à la perte : perdre fait plus mal que gagner ne fait plaisir, d’où la difficulté à laisser partir (Kahneman & Tversky en1979).
- Effet de dotation : on valorise davantage ce qu’on possède “parce que c’est à nous” (Kahneman, Knetsch & Thaler en 1990).
- Coût irrécupérable : “Je l’ai payé, donc je garde.” Même s’il ne sert plus (Arkes & Blumer en 1985).
Nos affaires racontent une histoire de nous. Se séparer d’un objet peut ressembler à renier une période, une relation, un rêve. Ce n’est pas rationnel, c’est affectif.
Promos “qui finissent ce soir”, bundles, éditions limitées…On achète vite, on tranche moins vite. Or trop d’options fatigue la décision, ce qui nous pousse à garder “en attendant” (Iyengar & Lepper en 2000).
Quand l’accumulation pèse… même sans s’en rendre compte
Le désordre visuel capte l’attention et grignote votre énergie mentale. Des travaux menés à Princeton montrent que l’encombrement perturbe la focalisation (McMains & Kastner en 2011). À la maison, une étude de l’UCLA a associé des intérieurs très chargés à des niveaux plus élevés de cortisol chez les mères (UCLA, Life at Home in the 21st Century en 2012).Autrement dit : ce n’est pas “juste” moche, c’est aussi fatigant.
Désencombrement : par où commencer quand on a du mal à lâcher ?
Notez quand vous gardez/achetez et pourquoi (peur de manquer, récompense, nostalgie). On ne se juge pas, on observe. Repérez 2–3motifs qui reviennent : c’est là que vous agirez.
Ce que vous hésitez à lâcher part dans une boîte datée, rangée hors de vue. Si rien ne manque d’ici un mois, alors vous pouvez vous en débarrasser (don/vente). Ça rassure le cerveau… et ça avance.
- Quand l’ai-je utilisé pour la dernière fois ?
- Si je ne l’avais pas, est-ce que je le rachèterais aujourd’hui ?
- Existe-t-il un doublon qui fait à la même utilité ?
- Qui l’entretient et où ça se range ?
- Qu’est-ce que je gagne si je le laisse partir (place, temps, calme) ?
Deux “non” clairs → l’objet sort. Hésitation→ boîte d’essai.
Emprunter, louer, partager (outils, livres, appareils rares). On paie pour l’usage, pas pour un objet qui immobilise de l’espace “au cas où”.
Plutôt que “tout jeter”, fixez un cadre : une étagère pour les souvenirs, une caisse pour les câbles, 10 épices que vous utilisez vraiment. Quand ça déborde, on désature, on n’ajoute pas une boîte.
Et si l’accumulation cache autre chose ?
Sans pathologiser, si l’encombrement isole ou fait souffrir, ou si la peur de manquer bloque des dépenses essentielles (alimentation, santé, sécurité) malgré des moyens, parlez-en. Un professionnel (médecin, psychologue, accompagnement budgétaire) peut aider à travailler l’anxiété, la culpabilité oula rigidité décisionnelle. Demander de l’aide, ce n’est pas renoncer à la simplicité, c’est s’y donner accès.

La bonne nouvelle ? On peut garder la sécurité intérieure tout en laissant partir l’excès. Observer ses déclencheurs, décider avec des règles simples, tester avant de sortir… et l’espace revient dehors et dedans.
- Choisissez une micro-zone (tiroir, étagère).
- Lancez 20 minutes avec une boîte “à l’essai 30 jours”.
- Faites partir au moins 5 objets (don/vente/recyclage).
Notez ce que ça change, pas seulement dans le placard, mais dans votre tête.





